Alors que 81% des consommateurs achèteront en Direct-to-Consumer (D2C) en 2025, la guerre est déclarée entre les marques pour se tailler la plus grosse part du gâteau.
Au cœur de cette lutte, la conquête de consommateurs toujours plus aguerris et exigeants passera nécessairement par un renforcement des modèles des marques.
En effet, la crise sanitaire, accélérateur et révélateur de tendances, menace la première génération de marques D2C. Leur modèle product-oriented n’est plus suffisamment fort pour faire face à la « révolution du consommateur ».
Pour le consommateur : c'est l'émotion et l'expérience avant tout.
Du côté de l'offre : c'est l'abondance de choix et la saturation des marchés.
L’heure de la réinvention D2C a sonné alors qu’un nouveau paradigme se dessine.
Retour sur cette révolution. Depuis l'effervescence D2C à l'ère du digital jusqu'à l'avènement du D2C 2.0 : l'histoire d'une course de vitesse entre Océan Bleu et Océan Rouge.
D2C 1.0 : Une réponse à un désalignement offre/demande à l'ère du digital
La révolution digitale a bouleversé le statu quo des marques traditionnelles. Alors qu’une poignée de marques établies dominaient l’économie, les technologies digitales ont permis l’essor de challengers dynamiques et innovants.
Des modèles d’un genre nouveau ont vu le jour. Fin des intermédiaires et des distributeurs, raccourcissement des chaînes logistiques : et si les entreprises vendaient à nouveau directement à leurs consommateurs ? Prometteur, lorsque l’on sait que 55% des consommateurs préfèrent acheter en direct auprès des marques.
Un alignement des planètes à partir des années 2010
Précurseurs, les DNVB (Digital Native Vertical Brands) ont été les premières à s’emparer du modèle. Elles ont bénéficié de la superposition de tendances technologiques et sociologiques pour déployer leurs offres. Au-delà de l’essor du digital, l’avènement des « millenials-consommateurs » a renforcé l’effet d’appel d’air pour ces marques.
A l’aube des années 2010, ces nouveaux consommateurs ont trouvé dans les modèles D2C un moyen de répondre à leur désir de consommer mieux (transparence, éthique, environnement, …) à un prix juste. La première génération de marques D2C s’est donc largement épanouie dans une situation de décalage entre offre et demande.
Un modèle économique innovant
Ces marques ont basé leur développement sur la verticalité de leurs chaînes de valeur en supprimant les coûts d’intermédiation, en se rapprochant des consommateurs et en dégageant une marge de manœuvre permettant d’investir en marketing digital.
Le premier objectif était de recruter et de fidéliser une communauté d’acheteurs via des coûts d’acquisition modestes. A travers la désintermédiation et la maîtrise de l’acquisition, ces acteurs parvenaient à proposer des prix compétitifs et justes tout en dégageant des marges confortables.
Away, un acteur qui bouleverse le marché de la bagagerie américain.
Cette DNBV américaine a mobilisé l’ensemble des codes du modèle pour développer un positionnement pérenne.
Une offre de produits épurés et focalisés sur l’usage : bagages au design minimaliste, fonctionnalités uniques (sac de linge sale, port USB, …).
Une intégration de l’ensemble de la chaine de valeur pour limiter les coûts, proposer des prix attractifs et justes et construire une forte proximité clients.
Une stratégie marketing efficace : création de contenus inspirationnels invitant au voyage et stratégie d’influence pour gagner en notoriété.
La satisfaction de besoins nouveaux
A l’époque de la croissance exponentielle d’Amazon, l’immédiateté et la convenience s’imposent progressivement comme des standards du marché. Pour les marques D2C, la réduction des délais de livraison et la maîtrise des achats en un clic (« one button buy ») deviennent un actif différenciant.
Ces enjeux se diffusent rapidement à travers de nombreux secteurs, a priori peu réceptifs à ces nouveaux modèles. En avril 2014, le lancement de Casper bouleverse un secteur de la literie marqué par une offre abondante, des niveaux de prix importants et des enjeux logistiques complexes liés à la taille des produits.
En associant un modèle digital désintermédié, un produit unique et qualitatif, une offre servicielle innovante (essai de 100 jours) et un concept de « bed-in-the-box », l’entreprise américaine est parvenue à répondre efficacement aux enjeux consommateurs : qualité, prix juste, immédiateté.
Aujourd’hui, une saturation des marchés qui remet en cause les fondamentaux du modèle D2C
Des marchés saturés et qui attisent la convoitise des marques historiques
Suite à l’euphorie des débuts, le marché des marques D2C se rapprochent d’une phase de « normalisation ». Le nombre d’acteurs D2C a augmenté de manière exponentielle à la fois du fait de l’apparition de nouvelles DNVB et de l’appropriation du modèle par les marques traditionnelles.
L’entreprise Nike a été l’une des première à investir le modèle D2C et à comprendre les bénéfices qu’elle pouvait en tirer : reprendre le contrôle de sa distribution, se rapprocher de ses clients, travailler sa communauté et augmenter sa rentabilité.
Le groupe a ainsi fait le choix de sélectionner ses intermédiaires et de renforcer sa distribution en propre dans une logique omnicanale et intégrée. Le e-commerce et les boutiques Nike représentaient 40% de ses revenus en 2021 et devraient atteindre 60% en 2025.
Pour les distributeurs, en revanche, l’addition est salée. Ceux qui ne parviennent pas à suffisamment travailler la relation marque/client se voient restreindre l’accès aux produits de la firme américaine. Chez Footlocker, la part des produits Nike est passée de 75% en 2020 à 60% en 2022… Si Adidas semble enclin à combler ce vide, le groupe allemand a lui-même annoncé vouloir atteindre 50% de CA en D2C d’ici 2025.
Du côté des marques Digital Natives, l’embouteillage s’accélère aussi. Sur le marché français, on dénombre en 2022 plus de 590 DNVB. Certains secteurs atteignent des degrés de saturation particulièrement forts : 150 marques dans le secteur de l’habillement (+16,3% vs. 2021), 127 marques dans le secteur bien-être & beauté (+52,4% vs 2021).
Un caillou dans la chaussure des marques D2C : l’explosion des couts d’acquisition
Alors que la première génération de DNVB avait construit son modèle sur les coûts d’acquisition faibles du marketing digital (Social Ads, SEA, Display…), la saturation des marchés a largement changé la donne. Le budget investi pour acquérir un nouveau client (Coût d’Acquisition Client ou CAC) ne cesse d’augmenter. Illustratif de cette dynamique haussière, le CPM (Coût pour mille impressions) sur Facebook qui a augmenté de 89% entre 2020 et 2021.
Envie d'en savoir plus ? Ecrivez nous ou prenez rendez-vous directement pour échanger !
La concurrence accrue du modèle Marketplace
Dans le sillage d’Amazon, l’émergence de nombreuses Marketplace menacent les modèles D2C en capitalisant sur une offre large produits x services valorisée par le client.
Le géant américain propose aujourd’hui 199 928 852 produits à 152 millions de visiteurs mensuels en France. Aux Etats-Unis, 89% des clients préfèrent acheter un produit sur Amazon que sur un autre site e-commerce.
L’engouement ne se limite pas à la firme de Jeff Bezos et de nombreuses marketplaces, souvent spécialisées, ont vu le jour ces dernières années pour devenir une des destinations shopping privilégiées des consommateurs. Au global, les marketplaces capitalisent sur une croissance deux fois plus forte que pour les ventes mondiales de e-commerce.
D2C 2.0 : Les nouvelles règles du jeu Direct-to-Consumer
A mesure de l’augmentation de la saturation des marchés, la confrontation entre les acteurs s’accélère. La croissance se fait de plus en plus au détriment des concurrents et les enjeux de différenciation deviennent plus prégnants.
De l’innovation produit à l’expérience client 360°
Alors que les succès originels des marques D2C s’est construit sur l’innovation produit avec un modèle product-centric ou category-centric, le terrain de jeu s’est rapidement déplacé vers celui du Consumer-centric. Modèle dans lequel le point central devient le consommateur et où la marque propose une multitude de produits et services complémentaires (potentiellement dans différentes catégories ou univers) répondant à différents pains ou moments de vie du consommateur.
L’expérience client selon Prose.
Cette marque de haircare a largement construit sa différenciation sur une expérience client forte : questionnaire pour créer un produit personnalisé et adapté aux différentes chevelures, création du « salon Prose » et accès en 15 minutes à un « haircare consultant », réductions personnalisées.
La marque est aussi parvenue à s’ériger comme un pôle d’influence à part entière en créant des contenus ciblés pouvant alimenter le magazine de la marque.
Face à l’explosion des coûts d’acquisition, l’avènement des canaux alternatifs organiques
Alors que l’acquisition reposait principalement sur des canaux paid bon marché pour la première génération de marques D2C, l’explosion du CAC a changé la donne. Dans ce nouveau paradigme, les marques misent sur des canaux alternatifs et gratuits pour travailler clients et prospects, si bien que le ratio paid/organic tend à s’inverser :
Les chantiers d’acquisition se sont déplacés vers de la création de contenus à la façon d’un média spécialisé. Pour ces Brand Media, l’un des enjeux clés est de remonter dans les moteurs de recherche grâce à une stratégie SEO renforcée.
Parallèlement, la voix de la marque permet de fédérer et de fidéliser les clients en créant un sentiment d’appartenance à une communauté et en augmentant ses capacités d’inspiration. Une double optimisation des investissements marketing donc : la rétention étant 7 fois moins chère que l'acquisition.
Madhappy, le prétexte du prêt-à-porter pour vendre de l’optimisme.
Cette marque de prêt-à-porter rassemble sa communauté autour d’un concept puissant : la santé mentale et l’optimisme à toute épreuve.
Elle propose un contenu diversifié via son media “The local optimist” : articles, interviews, playlists.
L’expérience et l’inspiration dépassent largement le produit : comment ma consommation de prêt-à-porter peut créer un monde plus optimiste ?
Le règne de l’omnicanalité
Le développement des modèles « digital-first » a bouleversé l’équilibre des marchés sans pour autant enterrer la distribution physique. Pour les acteurs D2C, les rapports online/offline sont considérés dans une optique incrémentale « et » plus que dans une optique alternative « à la place de ».
La « retailisation » apparaît bien souvent comme un levier incontournable de pérennisation. Il permet d’augmenter les volumes de vente en élargissant la cible et le footprint de distribution. Il offre aussi la possibilité de positionner les marques plus largement sur le parcours client, parcours omnicanal par nature. Aujourd’hui plus de la moitié des DNVB françaises sont implantées en physique :
Envie d'en savoir plus ? Ecrivez nous ou prenez rendez-vous directement pour échanger !
Pour ces marques, l’omnicanalité s’apparente néanmoins à un numéro d’équilibriste entre accélération et préservation d’une expérience client différenciante.
La transition « online only » vers l’ « online + offline » se fait donc selon des codes établis: expérience omnicanale sans coutures, curation retail, mise en avant de la brand equity, …
Aime, une transition omnicanale réussie.
La marque de nutri-cosmétiques a très vite orienté son modèle vers l’omnicanal : e-shop Sephora, magasins spécialisés, magasin en propres au cœur de Paris.
Plus qu’un lieu de vente, sa boutique est un lieu de détente où il est possible de bénéficier de soins ou d’une consultation avec une naturopathe.
En misant sur un lieu expérientiel, la marque attire un nombre plus large de clientes et les invite à entrer au sein de son univers.
D2C 2.0 ou comment transformer une DNVB en « Master Brand »
Le D2C 2.0 porte à bien des égards les attributs de la maturité pour les marques Digital Natives. Face au risque de « stagflation DNVB » souvent consécutif aux phases d’amorçage et d’accélération, le D2C 2.0 apparaît comme le remède le plus efficace.
L’enjeu pour les marques est d’accomplir leur mue vers le graal de la « Master Brand » :
Dans cette course de vitesse, les premières places sont chères : alors quelles marques pour accompagner la « révolution du consommateur » ?
***
A propos de DNG Strategy
DNG Strategy est la filiale Conseil en Stratégie de Digital Native Group, groupe de conseil spécialisé dans les secteurs Consumer et Retail. Combinant des compétences marketing, financières et technologiques, nos équipes accompagnent dirigeants de marques historiques, CEOs de marques digital native et investisseurs à résoudre des challenges business complexes.
Notre mission : inventer avec nos clients le monde Consumer et Retail de demain. DNG Strategy est reconnu pour son savoir-faire sur les stratégies de croissance (E-commerce, Direct-to-Consumer, omnicanalité, etc.) et l'innovation stratégique (nouveaux business model, diversification, M&A, Prospective, etc.).
Pour en savoir plus, visitez dngstrategy.com