La guerre entre Walmart et Amazon fait les gros titres aux USA depuis un petit bout de temps déjà. Impossible pour Walmart de concurrencer le géant du e-commerce sur le volume et les prix. Pour reprendre la main, l’entreprise a donc décidé de capitaliser sur des belles marques qui ont su fédérer des communautés engagées autour de valeurs partagées.
Les DNVB s’imposent de fait comme “l’arme anti-Amazon” en redéfinissent les codes non seulement du retail, mais aussi du e-commerce tel qu’il existe depuis 25 ans. Amazon peut bien créer des marques et vendre des produits éco-responsables, la multinationale n’aura jamais cette capacité qu’ont les DNVB de construire une communauté de clients passionnés.
DE L'ACTE À L'EXPÉRIENCE D'ACHAT
La majorité des DNVB (66%) sont les distributeurs exclusifs de leurs produits sous leur propre marque. L’indépendance intrinsèque des DNVB (“vertical”) est en soi une arme anti-groupes industriels historiques. Si Amazon mise sur une offre pléthorique et un service efficace, les DNVB misent sur l’engagement de leurs clients, la proximité et la transparence. Une stratégie gagnante qui leur permet de s’imposer sur des marchés saturés et déstabiliser les plus grands.
Plutôt qu’une offre complète qui correspondrait à tout ce que pourrait rechercher un client, les DNVB investissent un secteur d’activité spécifique, se spécialisent sur un domaine et développent une expertise pointue. Flexibles, agiles et ingénieuses, les DNVB ne se développent pas à l’horizontale, en couvrant tous les segments, mais à la verticale, en engageant un contact direct avec leurs clients ce qui renforce la relation et génère de l’engagement.
Au-delà d’une réponse à un besoin et de la vente de produits, les DNVB offrent une expérience à leurs clients (marketing expérientiel), fédèrent une communauté et construisent des offres pointues personnalisées. En réinterprétant l’approche “customer-centric” d’Amazon et en la poussant encore plus loin, les DNVB ne se focalisent pas uniquement sur la satisfaction clients, mais sur la relation en tissant des liens plus émotionnels avec eux. Elles ne vendent pas un produit mais un univers. Créatives et audacieuses, elles misent sur l’émotion, l’inspiration et l’expérience. Cela favorise un fort repeat business et permet de réduire petit à petit le coût d’acquisition client. Les DNVB ne cherchent pas à devenir un “réflexe d’achat” comme Amazon, mais une “expérience d’achat”.
C’est en cela qu’elles court-circuitent les potentielles incursions d’Amazon dans la même catégorie. De fait, pour concurrencer une DNVB sur son secteur d’activité, il ne suffit pas de vendre le même produit ; il faut oser s’engager, proposer autre chose, créer une expérience différenciante.
ET EN FRANCE, OÙ EN EST-ON ?
La tentation est grande de comparer les marchés français et américains où les premières DNVB ont vu le jour. Pourtant, ces deux marchés ne sont pas du tout structurés de la manière et n’ont pas la même réserve potentielle d’acheteurs. En France, nous avons de très belles DNVB mais il est plus difficile de faire plus de 50 millions de CA. Et cela prend plus de temps. Faguo existe depuis 12 ans et fait partie des quelques DNVB françaises qui avoisinent ou dépassent les 20 millions de CA, quand Jimmy Fairly n’a “que” 10 ans mais fait déjà un peu plus de 50 millions.
Certes, les comportements de consommation évoluent et ce sont des belles marques innovantes sur bien des aspects, mais nous manquons encore un peu de recul. Pour le moment, les nouveaux business models créés sont pleins de promesses et pleins de data à analyser pour continuer à les développer. Aujourd’hui, à part Sézane, aucune DNVB n’a encore été rachetée par un fond (américain ici). Nous manquons d’exemples concrets de flux d’acquisition réguliers dans les DNVB alors qu’ils sont beaucoup plus visibles dans la tech. Lors d’une valo dans la tech, c’est à la fois le CA et la technologie développée qui sont valorisés. Mais, pour les DNVB, comment valoriser une communauté ?
Aux Etats-Unis, Walmart rachètent Bonobos, ModCloth, Art.com (pour n’en citer que quelques-unes) pour s’imposer sur un territoire pas encore investi par Amazon.
En France, les acteurs historiques et les industriels du secteurs n’ont pas les moyens de racheter un challenger sur leur secteur à x 10. Et les concurrents étrangers ne se précipitent pas encore pour racheter des acteurs locaux : on n’a pas vu Casper racheter Tediber…
Pourtant, les lignes bougent. Les Venture Capital (VC) commencent à identifier les DNVB comme des acteurs du marché et de grands industriels, tels que Danone, à s’y intéresser de près en voulant créer leurs propres DNVB. Vont-ils s’inspirer de ce qu’il se passe aux USA, marché toujours précurseur ? Comment vont-ils investir ce marché ? Quel impact les nouveaux comportements de consommation émergents vont-ils avoir ?
Les modes de consommation évoluent. Aux Etats-Unis, les distributeurs ont désormais un score d’engagement social attribué en fonction des marques distribuées, une sorte de “Yuka des distributeurs”. Ce score constitue un critère important dans l’acte d’achat. Le curseur bouge : on ne cherche plus le moins cher, on cherche l’impact positif. Bientôt aussi en France ?
Quoi qu’il en soit, les DNVB vont certainement continuer à faire du bruit sous l’oeil attentif des grands industriels qui essaient de s’adapter et des VC à la recherche d’opportunités. Qui saura tirer son épingle du jeu ?
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